Les indiennes De la manufacture Oberkampf de Jouy-en-Josas

Les indiennes de la Manufacture Oberkampf de Jouy-en-Josas 

par Josette Brédif 
Date de publication : 1982

Dans les premiers temps du Musée de la Toile de Jouy, les expositions présentaient les grandes productions de la Manufacture Oberkampf, établissant la genèse des toiles de Jouy. L’établissement propose ainsi une exposition sur les toiles imprimées à motif fleuri dans le goût des perses et des toiles peintes des Indes, appelées aussi les indiennes ou les perses de Jouy. Ces étoffes ont établi la renommée de la Manufacture très rapidement après son ouverture en 1760. En effet, alors que les ateliers français accusent un retard technique important, Christophe-Philippe Oberkampf bénéficie de sa formation de graveur-coloriste acquise en Suisse puis en Alsace. Chimiste dans l’âme, artiste sensible, il réalise des indiennes rivalisant l’éclat et la qualité des toiles étrangères. L’exposition de 1982 revient sur les plus belles d’entre elles.

L’expression « TOILE DE JOUY» caractérise généralement, pour les non-spécialistes, un aspect particulier de la production de la ma­nufacture Oberkampf que l’on pourrait s’étonner de ne pas trouver sur les cimaises de cttte exposition. Elle représente, pour la majorité des personnes qui l’emploient, un type de sujets champêtres, pastoraux ou antiquisants que Jean-Baptiste HEUT a justement rendus célè­bres, et dont la technique d’impression, différente, faisait appel aux planches et aux rouleaux de cuivre gravés.

Cet aspect intéressant ne doit cependant pas faire négliger ce qui constitue la part la plus importante de la production, c’est-à-dire la création des innombrables motifs polychromes où l’élément floral domine, destinés à la fois aux vêtements et aux « meubles ».

On a donné à ces étoffes le nom d’INDIENNES, car cette produc­tion se développa à l’instar de celle de l’Inde où la coloration partielle des tissus avec utilisation de mordants permettant le « grand teint » était connue depuis l’Antiquité. Les sources d’inspiration communes: fleurs et oiseaux, le même support, coton ou mélange de lin et coton suivant les ressources propres à chaque pays, justifient cette appella­tion. Par contre, le terme de « toiles peintes» qui s’attache aux procédés indiens, et qui a longtemps continué d’être attribué à la pro­duction occidentale, est assez impropre car, dès le début, la part de pinceautage, en France, a été limitée.

C’est à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle, lors de la création des grandes compagnies de navigation tournées vers l’Orient, que les toiles peintes de l’Inde se répandirent en Europe où elles furent très appréciées, puis imitées. Par suite de la complexité des opérations successives de coloration, de l’ignorance des ingré­dients employés ou de la difficulté de s’en procurer, les résultats furent médiocres. Un arrêt du Conseil d’Etat du roi, en 1686, interdit l’activité des nouvelles manufactures d’impression ainsi que l’impor­tation des toiles de l’Inde, et même le port de ces étoffes ( 1 ). Cette prohibition qui dura jusqu’en 1759 n’entama pas leur vogue, et, dès cette interdiction levée, de nombreuses manufactures s’élevèrent et prospérèrent, améliorant peu à peu leur technique.