Les motifs Toile de Jouy

MOTIF "FLEURS STYLISEES ET MONTANTS ONDULANTS"

Fleurs stylisées et montants ondulants, vers 1765, siamoise imprimée, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy, inv. 991.28.1

Imprimé sur une siamoise, une toile de coton et de lin que Christophe-Philippe Oberkampf se procure souvent en Normandie, ce motif témoigne de la production de la manufacture de Jouy à ses débuts. Le dessin associe une fleur étrange, thème propre aux cotonnades importées par les compagnies des Indes, à des montants ondulants à carreaux qui rappellent les décors des soieries de Lyon.

MOTIF "Semis de fleurs"

Semis de fleurs, 1783-1789, toile de coton imprimée à la planche de bois, Manufacture Oberkampf / Musée de la Toile de Jouy, inv. 938.2

Cette toile imprimée de fleurs courbant avec feuilles et tiges, disposées régulièrement sur fond olive uni, reprend le dessin des « bôteh ». Ce motif végétal en forme de gouttelette stylisée ou géométrique, dont on retrouve la trace dès le IIIe siècle, symbolise une fleur mystique iranienne. Généralement appliquée par paire, elle évoque très souvent l’union de l’homme et de la femme. Le bôteh est connu des Européens dès le XVIIe siècle grâce aux compagnies des Indes. Il est repris par les indienneurs qui cherchent à rappeler cet ornement typique des arts décoratifs perses. Christophe-Philippe Oberkampf distingue très vite sa manufacture avec des cotonnades qui imitent à la perfection les perses.

MOTIF "DIANE chasseresse"

Diane, vers 1785, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, Manufacture Petitpierre © Musée de la Toile de Jouy, inv. 993.4.2

Cette toile au motif de Diane chasseresse, agrémenté de médaillons à sujet antique, a été éditée par la Manufacture Petitpierre à Nantes vers 1785. Diane est une divinité romaine assimilée à la déesse de la lune Sélénée et à Artémis du panthéon grec. Ayant fait vœux de chasteté, elle vit dans la forêt à la lisière entre le monde sauvage et civilisé, en compagnie de nymphes, jeunes filles farouches qui repoussent ses prétendants. Divinité de la chasse, de la guerre et de la nuit, elle est symbolisée dans les arts par son arc, le front surmonté d’un croissant de lune, parfois accompagnée d’une biche ou d’un chien. Figure érotisante, Diane chasseresse est très à la mode au XVIIIe siècle, depuis que Louis XIV a commandé 12 statues de Diane et ses compagnes pour le château de Marly. Les arts décoratifs s’inspirent de ce thème, prétexte à la représentation de nu héroïque. D’autres indienneurs que Ferdinand Petitpierre (1746-1803) produiront des toiles imprimées à l’honneur de la déesse, Christophe-Philippe Oberkampf notamment.

MOTIF "le mouton chéri"

Le Mouton chéri, 1785-1790, toile imprimée à la plaque de cuivre, Manufacture Petitpierre © Musée de la Toile de Jouy, inv. 985.28.56

Le motif “Le Mouton chéri” est un dessin imprimé à la Manufacture Petitpierre à Nantes entre 1785 et 1790. Cette fabrique figure parmi les plus florissantes de la région, puisqu’à la fin des années 1780, elle imprime le quart de la production nantaise. Fondée par Simon-Louis (1742-1780) et Ferdinand Petitpierre (1746-1803), deux suisses protestants installés à Nantes depuis 1763, la manufacture s’illustre rapidement parmi les plus renommées. Elle concurrence la Manufacture Oberkampf notamment, en imitant le style Rocaille des toiles historiées imprimées à Jouy, connue pour ses pastorales et ses scènes galantes. Le dessinateur du Mouton chéri s’est ici inspiré du tableau Le Mouton favori peint par François Boucher (1703-1770), membre actif du mouvement Rocaille. Si le tableau représente un jeune couple aux amours innocents, la toile imprimée propose un univers plus mutin. Parmi les couples de bergers badinant, d’autres s’adonnent à des jeux libertins.

MOTIF "les délices des quatre saisons"

Les Délices des quatre saisons, 1787, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, dessin de Jean-Baptiste Huet, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy, inv. 983.15.12

Jean-Baptiste Huet, dessinateur attitré de la Manufacture Oberkampf, élabore cette pastorale en 1787. Homme du siècle des Lumières, questionné par le rapport de l’homme à la nature, il propose avec Les Délices des quatre saisons la vision bucolique d’une nature abondante et prospère, qui n’est pas sans rappeler les thèmes chers aux auteurs antiques tels que Virgile dans L’Arcadie et Ovide dans Les Métamorphoses. Les scènes de la toile évoquent les travaux agraires ou les jeux d’extérieur propres à chaque saison. Les traits vifs du dessin et l’organisation des saynètes, reliées entre elles par des feuillages et des branchages, donnent l’illusion d’un mouvement sans fin. L’artiste propose aussi un cycle infini des saisons, une nature généreuse et productive.

MOTIF "Les quatre parties du monde"

Les Quatre parties du monde, 1790, dessin de Jean-Baptiste Huet, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, Manufacture Oberkampf / Musée de la Toile de Jouy, inv. 976.1.1.a-e

Le motif des Quatre parties du monde est un dessin réalisé par Jean-Baptiste Huet pour la Manufacture Oberkampf en 1790. Cherchant à représenter les quatre continents, l’artiste s’est inspiré de l’Iconologie de Cesare Ripa (1555-1662) publié en 1593. Recueil d’allégories extrêmement célèbre en son temps, cette encyclopédie illustrée alors appelée « livre d’emblèmes » fut l’un des premiers ouvrages de ce genre. Les illustrations sont codifiées afin de caractériser les civilisations et les terres européennes, africaines, américaines et asiatiques. L’Europe par exemple est identifiée par une femme richement vêtue, couronnée et tenant un sceptre, car elle domine le monde. Pour les autres continents, Jean-Baptiste Huet exploite ses talents de peintre animalier et s’amuse à figurer un bestiaire exotique : scorpion, éléphant, fauve, crocodile, autruche, dromadaire, etc. Il ira pour cela observer les animaux au Jardin royal des plantes, qui n’est autre que le Muséum national d’histoire naturelle à Paris, célèbre établissement ouvert au public grâce à son directeur Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, dans le but de vulgariser les sciences naturelles.

MOTIF "BALLON DE GONESSE"

Le Ballon de Gonesse, 1790, toile imprimée à la plaque de cuivre, dessin de Jean-Baptiste Huet, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy, n°inv. 984.24.1

En 1783, la course au ballon est lancée : en juin, les frères Montgolfier réussissent l’envol du premier ballon gonflé à l’air chaud ; en août, les frères Robert assistés du physicien Jacques Charles ont le même succès avec un ballon gonflé à l’hydrogène. Parti du champ de Mars, il atterrit à une vingtaine de kilomètres au Nord de Paris, dans la commune de Gonesse. La presse s’empare du sujet et crée une véritable « ballomanie ». Les arts décoratifs adoptent cette mode qui fait fureur. Christophe-Philippe Oberkampf ne pouvait pas manquer l’opportunité de créer une toile relatant les premiers pas de l’aéronautique. La toile Le Ballon de Gonesse, éditée à partir de 1790, devient un bestseller de la fabrique.

MOTIF "L'abreuvoir"

L’Abreuvoir, 1797, dessin de Jean-Baptiste Huet, impression à la plaque de cuivre, Manufacture Oberkampf / Musée de la Toile de Jouy, inv. 982.12.2

En 1797, le peintre Jean-Baptiste Huet propose un nouveau dessin de pastorale à la Manufacture Oberkampf. Voilà plus de dix ans que Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815) a distingué sa production dans ce registre iconographique. Appelée aujourd’hui L’Abreuvoir, en raison de la saynète figurant un cheval monté se désaltérant dans une fontaine, la toile était commercialisée sous le titre La Nouvelle fête flamande. En effet, souhaitant actualiser la toile La Fête flamande éditée en 1782, l’indienneur commande à l’artiste une nouvelle version. Pour ce dessin, ce dernier s’inspire d’un recueil d’estampes en plusieurs volumes de Pierre-François Basan, publiés entre 1761 et 1779, où sont rassemblés plus d’une centaine de tableaux de maîtres flamands, hollandais, allemands, italiens et français. L’Abreuvoir retranscrit bien l’atmosphère des peintures hollandaises du XVIIe siècle, où les animaux de la ferme observent des scènes d’auberge et de fêtes populaires.

MOTIF "ARBRES"

Motif géométrique, style néo-classique 1798, échantillon textile, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy / 980.12.32

En 1797, Christophe-Philippe Oberkampf finit de mettre au point la machine d’impression à cylindre à bascule qu’il avait faite construire par les frères Périer dans le quartier de Chaillot à Paris. La Manufacture de Jouy intensifie alors la production de motifs fleuris et géométriques miniatures, appelées les mignonnettes. Les jeux d’échelle et les multiples possibilités de colorisation permettent aux dessinateurs de la Manufacture de proposer une grande variété de toiles pour la mode. Ce motif de petits arbres rose et vert répond au goût des jeunes femmes, au lendemain de la Révolution, qui cherchent un tissu moderne pour leur garde-robe.

MOTIF "OFFRANDE A L'AMOUR"

L'Offrande à l'amour, 1799, dessin de Jean-Baptiste Huet, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, Manufacture Oberkampf / Musée de la Toile de Jouy, inv. 006.5.3.1

Pionnière de l’impression des toiles à personnage en France, la Manufacture Oberkampf se fait remarquer par la production de pastorales qui répondent aux aspirations bucoliques des Lumières. À la fin du XVIIIe siècle, ces toiles sont influencées par le goût pour l’antique. Le courant néo-classique fait fureur dans les arts décoratifs comme dans les arts majeurs. Pour le motif L’Offrande à l’amour dessiné par Jean-Baptiste Huet en 1799, l’artiste revisite le thème mythologique du dieu Eros dans l’esprit galant du Grand Siècle. Ce motif remporte un vif succès et sera commercialisé jusqu’en 1817.

MOTIF "SPIRALES"

Motif géométrique, 1800, échantillon textile, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy, inv.980.12.351

Au lendemain de la Révolution française, la manufacture de Jouy doit relever son activité commerciale dans une France en guerre contre les pays européens coalisés contre la Première République (1792-1802). La machine d’impression au cylindre de cuivre permet de baisser le prix du tissu tout en assurant une qualité bon teint : de centaines de petits motifs fleuris ou géométriques comme ce motif en escargot sont imprimés pour l’habillement. Colorés et atypiques, ils apportent au garde-robe une fantaisie nouvelle. Cette stratégie réussit à Christophe-Philippe Oberkampf qui maintient à flot la Manufacture malgré le contexte économique.

MOTIF "les plaisirs de la campagne"

Les Plaisirs de la campagne, 1802, dessin de Jean-Baptiste HUET, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, Manufacture Oberkampf / Musée de la Toile de Jouy, inv. 996.3.7

Le motif Les Plaisirs de la campagne élaboré par Jean-Baptiste Huet en 1802 pour la Manufacture Oberkampf se vend à l’origine sous le titre commercial La petite chasse. Toutefois, il est rapidement identifié sous un nouveau titre puisque la chasse est peu présente dans le dessin, qui comporte plutôt des scènes de vie paysanne et des saynètes champêtres. Dernière pastorale réalisée par l’artiste pour la production de Jouy, on perçoit le goût de l’antique qui est à la mode dans les arts décoratifs. Ici, ce sont les ruines qui sont utilisées comme décor. Au tournant du XIXe siècle, l’esthétique de la ruine ajoute à l’idéalisation nostalgique et pittoresque des campagnes. Elles accentuent l’effet de douce langueur déjà évoquée avec le motif du bateau et des animaux qui paissent.

MOTIF "le lion amoureux ou lésa"

Le lion amoureux ou Léda, vers 1813, toile de coton imprimée à la plaque de cuivre, dessin de Jean-Baptiste Huet, Manufacture Oberkampf © Musée de la Toile de Jouy, inv. 996.3.10

À partir de 1800, Christophe-Philippe Oberkampf demande au dessinateur officiel de sa manufacture de changer le style de ses dessins. Il souhaite s’inscrire en rupture avec le mouvement néo-classique, et créer des toiles d’un genre nouveau. Il précise à Jean-Baptiste Huet ses attentes : un rapport de dessin moins haut, des motifs forts et appliqués sur toute la largeur, un contre-fond dont l’ornement serait répété en réseau, une disposition des saynètes plus ordonnée. L’artiste s’exécute et, suivant la mode, reprend des thèmes mythologiques. Deux histoires sont ici représentées : celle de Léda séduite par Zeus qui prit la forme d’un cygne, et dont les deux enfants naquirent dans un œuf ; et celle d’Androclès, un esclave qui s’enfuit en Egypte où il guérit un lion de ses blessures. Repris et livré aux bêtes dans un cirque à Rome, il fut épargné par le lion reconnaissant. Huet s’inspire ici de médaillons peints par Raphaël (1483-1520) pour les décors des Loges du Vatican, dont les motifs décoratifs sont largement diffusés dès le milieu du XVIIIe siècle en gravures.